Au menu de ses entretiens : le tracé des frontières,
les armes du Hezb, la question présidentielle
et le flux d’armes en provenance de la Syrie

Trois jours-marathons pour Roed-Larsen à Beyrouth
Le représentant d’Annan rencontrera les députés qui ont été obligés de voter
la prorogation du mandat Lahoud

La mission à Beyrouth, prévue cette semaine, de Terjé Roed-Larsen, le représentant personnel de Kofi Annan pour le suivi de l’application de la 1559, ne sera pas facile. Malgré la bonne ambiance née du dialogue national, censé reprendre mercredi avec deux thèmes, deux fils rouges qui sont au cœur de la résolution onusienne : la crise de pouvoir, qui perdure, selon les piliers du 14 Mars, à cause de l’obstination du président Lahoud à rester à Baabda, ainsi que les armes du Hezbollah. Ces deux sujets ne risquent d’ailleurs absolument pas d’être réglés au cours de cette seule séance, notamment en raison des divergences profondes entre les deux parties.
Selon des sources diplomatiques bien informées, la dernière visite de Terjé Roed-
Larsen à Beyrouth remonte au 26 novembre 2005, et il a été ensuite contraint d’en annuler une pour des raisons de sécurité : les assassinats se multipliaient, et lui-même n’avait pas été avare de critiques très fermes à l’encontre de la Syrie (que ce soit son dernier rapport sur la non-application par Damas de la 1559 et qu’il avait rédigé à l’intention de Kofi Annan et du Conseil de sécurité, ou bien ses déclarations très claires sur l’entrée illicite d’armes au Liban via la Syrie).
Les sources précitées rappellent que le diplomate onusien a exclu Damas de sa tournée actuelle, pourtant bien large, puisqu’elle comprend cette fois Moscou, Pékin et Londres, en plus de Washington, Paris, Beyrouth, Le Caire, Ryad et Amman (lire par ailleurs). Elles ne savent pas d’ailleurs si cet oubli est prémédité, ou bien si Terjé Roed-Larsen s’est contenté de son entretien, la semaine dernière à Moscou et sous la houlette de la Russie, avec le chef de la diplomatie syrienne, Walid Moallem. Signalons, en outre, que le représentant d’Annan a ajouté Doha à ses nombreuses escales, puisque le Qatar est désormais membre non permanent du Conseil de sécurité. L’émirat avait d’ailleurs en son temps fortement conseillé Beyrouth et Damas de calmer le jeu entre eux, et de mettre un terme aux campagnes médiatiques, au moins pour préserver les acquis réalisés au cours des mandats de feu Rafic Hariri. L’émissaire qatari, le ministre des AE Hamad ben Jassem al-Thani, avait tenu à préciser à l’époque que l’initiative de son gouvernement n’était absolument pas destinée à court-circuiter celles de Ryad et du Caire.
Dans tous les cas, le palais Bustros n’a toujours pas reçu officiellement la date d’arrivée du diplomate onusien. On dit que ce serait jeudi et qu’il passerait trois jours à Beyrouth, mais on ne confirme toujours rien pour des raisons de sécurité. On sait juste qu’il s’entretiendra avec un certain nombre de leaders politiques et de députés, parmi lesquels ceux qui ont affirmé avoir été la cible de pressions afin qu’ils votent la prorogation du mandat Lahoud. Terjé Roed-Larsen rencontrerait également les ambassadeurs français et américain, Bernard Émié et Jeffrey Feltman.
Une chose est sûre : le sujet qui sera le plus longuement et largement évoqué sera la libanité des fermes de Chebaa, sur laquelle se sont entendus les Quatorze la semaine dernière. Ce sera d’ailleurs un sujet polémique, puisque le diplomate onusien réitérera la nécessité d’un tracé des frontières entre le Liban et la Syrie, puis la signature d’un procès-verbal de l’opération, ainsi que l’accord des Parlements et des Conseils des ministres des deux pays, et l’envoi d’un document officiel au secrétariat général des Nations unies. Tout cela afin que l’ONU adopte une nouvelle résolution stipulant que ces hameaux sont bien libanais – avec tout ce que cela comprend comme répercussions sur la mission de la Finul. Les sources citées plus haut soulignent que Terjé Roed-Larsen, avec sa diplomatie habituelle, saura prendre en compte l’importance de la réussite du dialogue national libanais, surtout qu’il se déroule en dehors de toute tutelle.
La question qui restera par contre sans réponse sera celle liée aux armes du parti de Dieu. L’émissaire onusien entendra deux sons de cloche libanais, surtout depuis les déclarations de samedi d’Émile Lahoud, qui a estimé que le Hezb devrait rester armé jusqu’à ce que les Palestiniens puissent rentrer chez eux…
Quant à la question du départ du locataire de Baabda, elle ne sera pas tranchée non plus, en raison de l’incapacité, à l’heure actuelle, des leaders chrétiens à s’entendre sur le nom de son successeur ; en raison, également, de l’attachement d’Émile Lahoud à son poste, et sa détermination à finir son mandat puisqu’il n’est coupable d’aucune haute trahison et qu’il n’a pas de sang sur les mains.
Restera enfin un dossier très chaud : le flux d’armes au Liban en provenance de Syrie et le danger que cela représente pour la stabilité du Liban. Terjé Roed-Larsen entend à ce sujet s’enquérir des mesures prises par l’armée le long de la frontière libano-syrienne afin d’empêcher cela. On dit également qu’il ne manquera pas d’exprimer sa satisfaction quant à une autre décision prise par les Quatorze mardi dernier : celle liée aux armes des réfugiés palestiniens, hors et dans les camps.

Khalil Fleyhane, L'Orient Le Jour.

Terjé Roed-Larsen

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