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Le Liban Aujourd'hui
22 mars 2006

Gaz Et Pétrole Au Liban

Le « mal hollandais » peut-il toucher le Liban ?

Certains experts ne cachent pas leur optimisme de trouver du gaz et du pétrole au Liban et estiment que cette découverte résoudra les problèmes économiques que connaît le pays actuellement, notamment le déficit commercial permanent, la dette publique et la faible croissance. Suivant ce raisonnement, le revenu du Liban augmentera sensiblement et l’État pourra utiliser les recettes pétrolières pour couvrir une partie de sa dette et assurer ses dépenses de fonctionnement sans avoir recours à l’endettement. De même, la balance commerciale ne sera plus autant déficitaire, puisque les exportations de gaz et de pétrole couvriront partiellement les importations. Cependant, en regardant de près l’expérience d’autres pays, nous constatons que la réalité n’a pas toujours été celle que l’on espérait. Une forte augmentation du revenu d’un pays, suite à une découverte de ressources naturelles, a souvent des effets négatifs et induit un phénomène dit du « mal hollandais ». Ce terme est né dans les années 1970, lorsque les Pays-Bas ont connu une forte hausse de leurs revenus suite à la découverte de gaz naturel en mer du Nord. Paradoxalement, cette découverte a eu des répercussions négatives sur la production industrielle non liée au secteur des hydrocarbures. Elle a également freiné les exportations des produits non pétroliers et a provoqué une hausse du chômage. Dans le cas du Liban, le scénario pourrait être le suivant. La découverte du pétrole donnera lieu à une hausse des exportations pétrolières et le pays recevra alors davantage de devises. Une partie de ces devises sera consacrée aux importations, et l’autre partie sera dépensée sur des biens intérieurs non échangés. En accroissant la masse monétaire, les recettes pétrolières exerceront une pression à la hausse sur les prix intérieurs. Le taux de change « réel » s’appréciera en conséquence (même si le taux de change nominal est indexé sur le dollar). L’appréciation du taux de change pèsera sur la compétitivité des exportations non pétrolières et affectera négativement le secteur des exportations traditionnelles. Autrement dit, afin de satisfaire l’augmentation de la demande intérieure alimentée par la hausse du revenu et l’entrée de devises, les ressources (capital et travail) seront orientées vers la production de biens intérieurs non échangeables et vers le secteur pétrolier en expansion. Ces deux transferts feront diminuer la production du secteur des exportations traditionnelles qui sera à la traîne. En effet, lorsque le capital et le travail passent d’un secteur à l’autre, des entreprises ferment leurs portes et des salariés se trouvent au chômage. La transition, même si elle est momentanée, est douloureuse. Certains parlent de la « malédiction des ressources humaines ».
L’éventuelle découverte de pétrole ou de gaz au Liban ne sera pas le premier « mal hollandais » que traverse le pays. Les entrées continues de flux financiers jouent ce rôle. Tout en aidant à la stabilisation de la situation financière dans le pays, ces flux contribuent à l’appréciation réelle de la livre et à la détérioration des deux secteurs, industriel et commercial.

(*) Docteur en économie – Centre de recherches et d’études doctorales de l’ESA (CRED).

En coopération avec l’ESA

Charbel Kordahi, L'Orient Le Jour.

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